tatjana ➝ the bridge is narrow and you've got so far to fall.

- Tout le monde l’appelle Tjana.
- Elle est exceptionnellement proche de son frère.
- Elle n’a pas de barrière à sa bouche et exprime oralement ses pensées sans prendre garde aux conséquences que ces dernières pourraient causer.
- Elle a tendance à parler seule, parlant aux objets et aux animaux qui l’entourent, faisant parler ces derniers.
- Il lui arrive de temps à autres d’agir comme une petite fille de 6 ans.
- Elle pleure facilement ; par contre, peu de choses l’effraient à raison de son inconscience.
- Elle adore cuisiner, notamment des desserts, mais n’aime pas en manger. De fait, son frère ne cesse de se plaindre de sa prise de poids.
- Lorsqu’elle est de bonne humeur, elle adore chanter et danser.
- Elle n’a pas conscience du regard des autres sur elle la plupart du temps mais lorsqu’elle a le malheur d’entendre des choses désagréables, elle est persuadée qu’elles sont dirigées à son encontre.
- Elle ne s’attache pas aisément aux autres et ne parvient à se montrer entièrement qu’à son frère.
- Après avoir sérieusement lutter avec son frère, elle possède un chat prénommé Gorba.
- Devant un film, elle est atteinte de diarrhée verbale.
- Elle n’est plus la bienvenue à l’église orthodoxe lorsqu’elle a raturé et déchiré toutes les pages de la Bible lui semblant incohérent d’un point de vue scientifique.
- Elle n’a plus le moindre contact avec ses parents depuis qu’ils l’ont inscrit dans un pensionnat pour enfants surdoués qui s’est révélé être un véritable enfer.

Treize ans auparavant,
L’intérieur de la maison est harmonieux et distingué. Le feu crépitant au creux de la cheminée impressionnante offre une ambiance chaleureuse et distinguées aux murs recouverts de lambris foncés sur lesquels les ombres projetés par la lueur du feu se reflètent et se combattent dans un duel chimérique comme seuls les enfants peuvent l’imaginer. La nuit entoure la maison de son manteau réconfortant tandis qu’une petite fille et qu’un jeune garçon vaquent à leur occupation, chacun de leur côté. Le garçon a l’esprit concentré sur ses devoirs à tel point que sa langue rose est posée délicatement sur ses lèvres dans un effort intellectuel visiblement hors norme. Sa sœur cadette, quant à elle, est occupée à quelques pas de là à jouer avec des soldats de plombs, jouets d’un autre âge et qui descendent directement de son père. Si sa mère était présente, sans doute soupirerait-elle. Elle devrait jouer avec des poupées comme toutes les petites filles de son âge.
« Nous sommes en danger. Nous avons été séparés !! » hurle soudain la petite fille en proie à une panique aussi sérieuse et sévère qui affolerait n’importe quel adulte. Mais son frère ne la connaît que trop bien.
« Séparés de quoi ? » interroge son frère en poursuivant habilement ses devoirs sans lui prêter plus d’attention.
« De notre section, Vassili. Nous avons été débordé par l’escouade française. Nous ne pourrons jamais rejoindre notre section. » Un profond soupir découragé traverse ses lèvres tandis qu’elle observe d’un air contrarié ses soldats. Finalement, elle conclut sur un ton lugubre à la seule solution envisageable. « Nous allons devoir recourir au cannibalisme. »
« Déjà ? Nous n’avons pas de rations ou quelque chose dans le genre ? »
« On les a perdu dans la bataille. On va devoir se manger entre nous. »
« Tu n’es pas sensée apprendre ton récital de danse ? »
« Déjà fait. » réplique-t-elle aussitôt en se rapprochant de son frère, surveillant ses devoirs. Elle hoche négativement la tête et tapote de son doigt sur une faute d’orthographe commise par ce dernier. Vassili avait besoin de moins pour cesser son travail. Posant son crayon, il se tourne alors sur sa sœur
« Alors, comment les français nous ont vaincus ? »
« Ils ont utilisés des dinosaures. »
« Bordel !! » s’exclame Vassili au moment même où leur père rentre dans la pièce. Mauvais timing puisque ce dernier se presse de lui faire remarquer :
« Ton langage ! »
« Pardon papa. C’est les français qui nous ont attaqués avec des dinosaures. »
« Vassili a été décapité dans la bataille. »


Deux mois auparavant,
Tanja n’a jamais pénétré ce genre de lieu auparavant. Evidemment, les autres membres du pensionnant lui avait raconté l’existence du monde extérieur et plus particulièrement de ce genre d’endroit où on lui avait assuré que c’était là qu’il fallait s’amuser. Qu’il fallait s’enivrer jusqu’à plus soif et danser avec des inconnus pour connaître la vraie vie. Elle n’avait pas compris à l’époque et elle ne comprenait toujours pas aujourd’hui.
« Il fait chaud, on est l’abri, on a de la nourriture gratuite et Monsieur, on peut avoir deux verres d’eau s’il vous plaît ? »
La jeune russe se retourne vers son grand frère et fronce les sourcils en le voyant plonger sa main dans les bols de cacahuètes mis à disposition des clients.
« Vassili … ne mange pas ça. On retrouve pas moins de 14 traces d’urines différentes dans ces bols. »
Ledit Vassili suspend son geste avant de déposer néanmoins les cacahuètes dans le creux de la main de sa sœur.
« Quand on n’a pas d’argent, on n’a pas le choix. »
Elle lui adresse une moue boudeuse avant qu’il ne s’éloigne justement vers les toilettes. Une jeune inconnu la remarque et lui attrape le poignet pour l’entraîner sur la piste de danse. Tout d’abord effrayée, elle laisse la musique couler sur elle comme elle le faisait lors des leçons de danse classique prodiguée au pensionnat. Ce n’est qu’à ce moment là qu’elle réalise qu’elle est finalement libre de ses mouvements. Qu’elle a désormais la possibilité de danser là maintenant si elle en ressent l’envie et sans qu’elle ne doive attendre l’heure indiquée sur le planning. Alors, elle se laisse faire. Elle ne fait pas attention aux mains baladeuses qui se placent sur ses hanches. Elle ne remarque pas les regards intéressés des hommes l’entourant face à la souplesse de cette jeune fille qui comprend la musique qui rythme leurs pas, face à l’abandon qu’elle démontre totalement perdue dans son plaisir grisant de liberté, face à la beauté ingénue qui rayonne de l’innocence.
« Tjana, on y va. »
Elle sursaute lorsque la main de son frère se pose sur son poignet et ne l’arrache de la piste de danse. Elle peut clairement voir dans ses yeux bleus qu’il irradie de colère et de la même possessivité qu’elle démontre lorsqu’elle le surprend avec des femmes.
« Non, laisse moi. Je m’amuse. »
« Tjana, ce n’est pas le moment. On y va tout de suite. »
« Hé mec, si elle a envie de s’amuser, tu la laisses s’amuser. »
Ravie, Tjana observe son frère reculer et se concentre à nouveau sur la musique, acceptant la bouteille de bière proposée par un de ses partenaires de danse. Mais c’était sans compter sur le caractère russe de la famille. Une nano seconde plus tard et l’inconnu était à terre, sonné par le coup de poing de Vassili.
« On y va Tjana. »
Lorsque son frère est de cette humeur, Tjana sait parfaitement qu'il vaut mieux lui obéir. Mieux vaut ne pas attirer l'attention sur eux, lui assure-t-il. On doit faire profil bas. Ce qui n'empêche pas la demoiselle d'exploser de rire et de sauter dans les bras de son aîné à quelques rues de là. Elle est en vie. Elle est libre. Et elle est avec la seule personne qui compte.